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mardi 28 décembre 2010

Episode 3 : L’aveu d'Eugénie

Deux peaux de tambour blanches tendues et bombées, courbes idéales. A chaque battement de La paume, un motif de pourpre s’imprime sur la pulpe neigeuse. Eugénie reçoit son châtiment en silence, réprimant à chaque pulsation un hoquet plaintif teinté de plaisir.

Elle n’avait pu se défaire de Son emprise depuis la Nuit des Bougeoirs. Il ne l’avait certes pas menacée, leurs échanges n’étaient pas toujours réguliers d’ailleurs. Il l’avait encouragée dans sa traversée de l’inavouable, ne traçant aucune frontière dans ce qu’il lui autorisait. Il avait posé une condition. Elle devrait Lui dire ce qu’il était advenu, Lui détailler le récit de ses transes.

Eugénie avait tenté d’échapper à Sa sphère. Elle multipliait les audaces, plus rien ne lui semblait impossible à présent, elle se laissait porter par le ressac de ses désirs, au gré du hasard et des impulsions. Elle revenait toujours pourtant vers Ses sombres rivages. Il faudrait qu’elle Lui dise, elle éprouverait un besoin impérieux de connaître Son jugement, afin qu’Il fixât les termes de la sentence.

Le rituel s’était établi de lui-même. Elle Le rejoignait en journée dans un lieu convenu à l’avance, retirait à la hâte devant lui sa tenue d’étudiante. Parée de dentelle, elle pouvait enfin se décharger devant lui de son secret, soulagée et fébrile. Très vite ensuite des gestes fermes mettaient au jour ses fesses tremblantes. Une main s’abattait à plusieurs reprises, tandis qu’une autre zébrait son dos nu d’arabesques caressantes. Après quoi Il lui dirait ce qu’Il convenait qu’elle exécutât.

C’est ainsi qu’elle avait décrit cette nuit passée avec un garçon de ses connaissances, et la compagne de ce dernier qui s’était jointe, impromptue, à leur cercle de plaisir. Les heures brûlantes qui s’étaient ensuivies, elle les avait rêvées depuis des lunes. Elle Lui avait avoué avoir cessé de penser à Lui alors, délicieusement ébahie d’être le jouet docile de ses deux improbables amants. Jusqu’au point du jour, elle s’était cru délivrée de son Signe indien.

Mais dès le lendemain le besoin de Lui dire avait ressurgi, croissant, irrépressible.

Un samedi après-midi de janvier, un appartement parisien éclairé par une faible lumière rasante. Eugénie se tient devant Lui, entourée par le garçon et sa compagne.

Le projet qu’il lui avait exposé était simple et redoutable. Ramener devant Lui ce couple auquel elle s’était livrée, les Lui livrer à son tour. Qu’ils rejouent devant Lui leurs fantaisies nocturnes, il déciderait sur le moment du rôle qu’il s’attribuerait dans ce théâtre d’ombres. Enfiévrée par le goût du jeu et du vice, Eugénie avait su trouver les mots pour les convaincre, sans s’étendre sur la nature exacte de ses relations avec Lui.

Eugénie se tient donc devant Lui, enlacée par ces deux êtres à la beauté ravageuse. Elle embrasse longuement le jeune homme, tandis que sa compagne la baise tendrement sur la nuque, tressant des motifs imaginaires sur ses mèches de brun et de blond.

Le jeune homme est debout, le torse doré sous la lumière rasante, Eugénie agenouillée dégrafe les jointures du coton bleu délavé, la verge longue et fine s’engouffre immédiatement entre ses lèvres, la jeune femme la surplombe, les mains plongées dans sa chevelure, et dévore la bouche de son compagnon. Sans cesser son délicieux ouvrage, Eugénie Lui jette un regard tendre, Il ne la quitte pas des yeux. Un sexe dressé pointe vers elle, le Sien.

Eugénie et la jeune femme côte à côte, affairées sur l’objet de leurs désirs bouillonnants. Elles se partagent et s’échangent ce sexe que l’une connaît mieux que l’autre, elles en divisent les contours, par instants leurs lèvres se frôlent, à d’autres elles s’interrompent pour les joindre complètement, et mêler et leurs langues et l’arôme musquée, et le jeune homme caresse alternativement leurs chevelures défaites.

Eugénie est maintenant totalement offerte et gémissante. Il regarde sa bouche plongée dans la cavité soyeuse de la jeune femme, dont elle recueille l’orgeat à grandes lampées. Baignée de caresses, elle s’abreuve de la jouissance de son amante, cherchant à maintenir ses lèvres à hauteur, le corps cadencé par les secousses du jeune homme, qui depuis longtemps s’est invité en elle, et accélère, les mains crispées sur son cul perlé de sueur.

D’autres mains se posent sur les reins frêles et trempés d’Eugénie, elle sait que ce sont Les siennes. Quittant un instant le cocon dégorgeant de la jeune femme, elle englobe Son sexe frénétiquement, le regard tourné vers le haut. Elle Le voit baiser les lèvres de son amante, puis celles du jeune homme, et toutes leurs caresses convergent alors vers elle.

Noyée dans l’étendue de sa jouissance, Eugénie ferme les yeux et sourit. Le cercle se referme, enfin complet, sur elle, quatre désirs s’entrecroisent et se complètent, plus rien n’est impossible, le Sabbat ne se terminera qu’à l’aube, une fois toutes les promesses accomplies.

Illustration : Edvard Munch, Madonna

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