Subscribe Now: standardSmall

vendredi 8 avril 2011

Episode 12 : Echappée belle

Une jambe se tend, tandis que l’autre se rétracte, puis s’allonge à son tour, accordant à l’autre un répit éphémère, dans une série de cycles au terme de laquelle Eugénie ouvre la bouche en grand et relève sa robe noire plissée à mi-cuisse, recueillant un second souffle et la fraîcheur des bosquets, avant de jeter à nouveau toutes ses muscles dans la ronde infernale.



Un talus en pente légère, la piste du vent tracée à travers les herbes hautes, une paire de ballerines dispersées à la hâte, l’ombre rassurante d’un marronnier étendant son emprise sur le corps aux pieds nus d’Eugénie à mesure de la course du soleil.



Un peu plus tôt les calices avaient rompu leurs digues, teintant les coupes de rose rubis, et ses lèvres s’étaient hâtées de leur restituer leur éclat de cristal originel, laissant s’écouler en elle ce nectar de saison qui abaissait ses paupières et hissait ses voiles.



Un murmure de fin d’après-midi parcourt le bocage, Eugénie dévale la colline au ralenti, s’enroulant d’un tapis de trèfles et de carotte sauvage, de bleuets et de marguerites, de giroflées et de pissenlits tressé par le mouvement, et les souvenirs s’épandent comme des graines de colza à chaque roulade.



Un éclair de Lou dans son âme-tempête.



Leurs ventres adolescents serrés l’un contre l’autre, quelque part dans les dernières moiteurs d’une province de mi-août, l’arôme mentholé de leurs langues qui ne se cherchaient jamais longtemps, les retours vers la ville qu’on repoussait sans cesse, le parfum troublant de promesses qui ne dureraient pas au-delà du beau temps.



Des éclairs par dizaines bientôt crépitent dans ses plaines.



Des étreintes oubliées, des cascades de jouissance à présent pétrifiées, des visages dont elle cherchait les contours sans retrouver plus que l’esquisse d’un désir, des plaisirs fugaces et révolus dont la traînée trouble se désintégrait sans regret ni remords dans le ciel violacé de sa mémoire.



Un éclair de Lui lui dégrafe à présent le coeur.



Son sexe dérivant dans sa moiteur étale, quelque part au fond d’un Paris antarctique ; Ses mains plongeant dans le torrent brun-blond pour l’asperger de caresses, sa main plongeant dans la Sienne pour ne plus jamais craindre rien ;



Ce nid de tendresse éperdue et secrète qu’ils avaient su préserver sans serment ni promesses.



L’ombre des marronniers a depuis longtemps rejoint l’horizon, quand Eugénie reprend les tensions et replis alternatifs de ses gambettes, donnant la cadence aux engrenages de sa machine sous la pâleur diffuse de la lune.



Les roues rayonnées cavalent en tressautant sur les pavés qui la ramènent vers les zones de confluence humaine ; les cheveux brun-blonds sont triés un à un par le déplacement d’air, un sourire d’après l’orage se dessine sur son visage mêlant des traits de femme et d’enfant, elle sait qu’il existe un lieu où frapper à toute heure quelle que soit la couleur de son âme,



Elle sait qu’Il l’y attend.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire