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dimanche 1 mai 2011

Episode 15 : Fantasmagories

Côté gauche.

Le fleuve enjambé sans bruit sous les chuchotements des réverbères, la proue d’un navire se détachant de la pierre, trois coups frappés fébrilement au mitan de la nuit.

La lumière confuse d’une lucarne, des jeux d’ombre derrière le rideau de la soie, le crissement des soupirs derrière le secret des portes.

Une jeune femme aux cheveux tantôt bruns tantôt blonds se disperse sur le velours cramoisi d’une banquette romaine, libérée des dentelles, prisonnière des caresses, recueillant sur ses lèvres l’arôme amer et trouble d’une succession de mises en bouche.

Côté droit.

Livrée aux caprices d’appétits aiguisés, une jeune femme, mise bourgeoise et figure incertaine, s’accroche aux replis du velours.

Une femme aux yeux de jais lui réclame avec insistance qu’elle épanche sa soif, d’autres fruits lui sont tendus, elle les déguste déjà ; les désirs sont servis sur le champ comme autant de mets sur la carte.

Ô l’étrange volupté des jeux adultes quand s’y mêlent les battements d’un cœur resté enfant, et qu’aux abandons les plus inavouables répond la pureté câline d’un sourire…

Flanc gauche.

Vaisseau boisé, drapeaux noirs, tango de la nuit. 

Sous la grêle du plaisir une jeune femme au teint pâle meurt de froid, et puis l’instant d’après brûle d’y revenir.

Un homme à la tête de chat et aux allures obséquieuses passe la porte de la cabine, poussant devant lui un petit chariot à roulette orné de poignées d’étain, sans interrompre le cours de l'épiphanie, n’emportant avec lui que des miettes de luxure.

Flanc droit.

Roues grinçantes du chariot, cloche d’argent relevée, gourmandise ouvrière, jupe retroussée.

Roulements de tambours républicains, cortège respectable défilant sous la terre, monocles de sénateur égarés dans les tissus bon marché de jeunes couturières.

Silence glacé des miroirs que brise le cri feutré des diamants.

Mouvements de côté, flanc droit puis gauche, frémissement des paupières, la gauche puis la droite, les yeux grands ouverts.

Eugénie se réveille en sursaut, l’âme encore embrumée de rêveries voluptueuses, cherche l’heure à sa montre puis se ravise – son poignet n’en a pas.

Veut rajuster sa nuisette – puis sourit de nouveau, car elle n’en porte pas. 

Elle relit les consignes laissées à son intention dans un coin de l’ordinateur.

Elle franchira le fleuve dans le bruit foisonnant de l’été, glissera sa silhouette féline jusqu’à l’immeuble de bois et de pierre, frappera gaiement trois fois à l’entrée dérobée du Quai des Fleurs, on ouvrira la porte,

Il la prendra tendrement dans Ses bras.

2 commentaires:

  1. Troublante histoire..qui donne très envie de rencontrer cette jeune et belle ingénue...

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